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Il y a près de quarante ans prenait fin, à l’échelle du Segréen, territoire rural du Haut-Anjou, deux histoires pluriséculaires : celles nées de l’exploitation de l’ardoise et du minerai de fer. L’histoire croisée de ces deux épopées humaines et techniques, ayant pris leur essor industriel à la fin du XIXème siècle, est venue marquer la société locale, tout comme le territoire, dans sa chair.
M’attacher aujourd’hui, par l’image, à ces mémoires industrielles imbriquées m’a conduit à considérer la part visible de cette histoire (traces, vestiges et témoins) comme à tenter de convoquer celle qui ne l’est plus.
Les rencontres que j’ai eu l’opportunité de faire dans le cadre de ma résidence artistique, au printemps 2022, sont venues orienter et renseigner ma découverte du territoire. Considérant l’archive comme un précieux véhicule temporel, j’ai en parallèle réalisé certaines de mes photographies en référence à des vues anciennes, issues de fonds d’archives publiques ou collectées dans un cadre personnel et associatif.
J’ai ensuite parcouru avec ténacité la plupart des anciens sites d’extraction du territoire, qu’ils aient été consacrés à l’extraction de l’ardoise ou du minerai de fer, à ciel ouvert ou souterrains. Arpentant ces paysages, qui portent en eux la marque des usages industriels passés, je me suis attaché à certains signes, souvent ténus, pour déployer une quête photographique où espace et temps s’entremêlent. Les architectures que j’ai photographiées, tout comme les minéraux et à autres végétaux sur lesquels je me suis arrêté témoignent, chacun à leur manière, des relations intimes liant usages industriels des lieux et nature des sols.
Au gré de mes recherches, c’est un récit singulier mêlant géologie, techniques d’extraction minière, histoire sociale, religieuse et politique qui s’est dessinée. Une manière modeste mais sincère de faire écho, avec les moyens qu’offre la photographie, à l’urgence exprimée par certains de mes interlocuteurs, soucieux de voir leurs histoires, de voir cette histoire aujourd’hui racontée et partagée avec le plus grand nombre.
Sylvain Duffard, septembre 2022