Hybrides par nature
Représenter des espaces en friches, qu’il s’agisse d’interstices urbains ou de délaissés ruraux consiste à nourrir l’histoire de lieux qui, à première vue, n’appartiennent à personne et sont à la disposition de tous.
Comme bien souvent lorsque l’on s’approche pour observer, lorsque en l’occurrence on entre dans le paysage pour voir ce qu’il en est, la réalité est plus diverse et plus complexe. Ces terres, à l’image de celles que l’on nommait au Moyen Âge, si l’on s’autorise l’analogie, des « terres vaines et vagues », apparaissent comme désaffectées. En Haute-Savoie, celles que j’ai parcourues sont bien souvent d’un accès difficile, voire prohibé, car situées sur des parcelles privées ou relevant d’une autorité publique.
Ces espaces, hybrides par nature pourrait on dire, à mi-chemin entre milieux naturels et milieux anthropisés, sont le théâtre d’une libre occupation par les animaux comme par les végétaux et offrent un fréquent refuge aux populations reléguées. Prenant place sur des sols dont l’affectation n’est plus celle qu’elle a été, la désaffection de ces lieux, agricoles, touristiques ou industriels à l’origine, s’explique par des mutations socio-économiques diverses.
A bien les observer, ces lieux témoignent d’un avant, tout comme ils laissent parfois entrevoir leur possible devenir. Sauvages parce qu’ingrates, reléguées car improductives, ces portions de territoire connaissent des dynamiques écologiques continues et dessinent, tel un archipel composé d’îlots épars et comme retranchés du monde, un paysage discontinu.
Sylvain Duffard, février 2024